Histoire forestière de l'Abitibi-Témiscamingue

  • 1959-1969
    L'arrivée de la machinerie forestière L'accroissement de l'exploitation des forêts

 
Les années 1960Les choses changent au Québec! La Révolution tranquille et la venue de l’État providence donnent un nouveau visage à la foresterie. Un bilan forestier datant de 1968 est peu reluisant. Dans son ensemble, la forêt est sous-exploitée : 57 % de la possibilité est exploitée, alors que 49 % des concessions forestières sont utilisées. En Abitibi, il y a trop de petites scieries et celles-ci n’offrent pas un rendement très élevé, ce qui occasionne des difficultés pour toute l’industrie du sciage. Il y a un flagrant manque de gestion! C’est à ce moment que Jean Lesage, dont le slogan est « Maître chez nous », modifie sa gestion du territoire. Il n’attribue plus de multiples concessions forestières aux entreprises et s’assure d’un développement du territoire par l’ajout de chemins forestiers. Les gouvernements fédéral et provincial s’entendent pour faire des routes afin d’accéder au territoire, notamment au nord de l’Abitibi-Témiscamingue. Le programme de voirie forestière du Ministère permet le développement des chemins principalement dans un axe nord-sud, les chemins forestiers sont entièrement aux frais du gouvernement. Puis, pour garder un certain contrôle sur la gestion, le gouvernement crée les forêts domaniales.

Dans l’industrie, la modernisation se poursuit! D’abord, le mesurage des bois devient un sujet de discussion privilégié dans les camps. On mesure en «cunit» et non plus en pmp ou à la corde. La récolte des arbres se fait maintenant en longueur et ceux-ci sont tirés avec des débusqueuses. Les camps forestiers sont moins nombreux, mais plus modernes. Certains camps demeurent très rustiques, notamment ceux des chantiers coopératifs, mais quelques-uns sont maintenant des roulottes alimentées par des génératrices. Le métier de bûcheron est désormais pratiqué 10 à 11 mois par année, seule la période des mois d'avril et mai est inactive. C’est tout un changement pour les colons! Ceux-ci ne pourront plus combiner les métiers d’agriculteur et de forestier. Ils devront faire un choix entre l’autonomie sur leur ferme ou le salaire de l’industrie forestière. Le portrait de l’Abitibi forestier change drastiquement, car des 122 scieries qui existaient le long du Transcontinental en 1950, il n’en reste que 64 en 1965. Les scieries se développent en se dotant de nouveaux équipements, comme l’écorceuse et la déchiqueteuse, qui transforment plusieurs résidus forestiers.

En 1964, les opérations forestières et les scieries se syndicalisent! Si plusieurs croient qu’il s’agit d’une avancée, notamment Jean-Louis Caron, ingénieur à la CIP, d’autres comme Maurice Gagnon semblent croire que les bonnes relations employés-patrons priment dans les plus petites entreprises et que le syndicat n’est pas nécessaire. Audio (Maurice Gagnon)



De l’effervescence dans le Nord!Plusieurs entrepreneurs œuvrent déjà dans le « Nord du Québec »! À cette époque, le territoire de coupes du Nord du Québec se situe à la limite de Matagami. Si Camille Richard est bien installé à Beattyville et que Jean-Baptiste Lebel exploite ses chantiers non loin, d’autres sont aussi présents à cette époque. Gérard Saucier et Vianney Barrette développent un partenariat des plus intéressants. Domtar établit également une usine de pâtes « Kraft » à Lebel-sur-Quévillon. Plus à l’est, Lucien Filion fait fructifier sa scierie à Chibougamau! À l’ouest, dans les environs de Matagami, des entrepreneurs comme Léandre Fortin , Arthur et Roland Bisson (Bisson et Bisson) exploitent les forêts. Bref, ça bouillonne au nord ! Lorsque la rivière Bell, obstacle naturel à l'avancée vers le nord, est munie d'un pont, la route de la Baie-James s'allonge et ce, jusqu'à la mise en place des chantiers d’Hydro-Québec.

L’Abitibi-Témiscamingue : territoire diviséAu début des années 1960, les frères Arcand, ceux-là mêmes qui coupent et transportent le bois pour Edmond Carrière, achètent une ferblanterie. Ils construiront des pièces d’équipement destinées à la foresterie, et ce, sous le légendaire nom d’Harricana Métal.

Certaines coopératives deviennent de gros joueurs. Les coopératives jouent un rôle important dans l’exploitation des forêts. Elles travaillent surtout pour la CIP, mais aussi pour le compte des scieries de la région et, dans quelques cas, pour leur propre scierie, comme Guyenne, Taschereau, Launey, etc.

« Les industriels » sont en pleine expansion, ceux-ci cherchent à obtenir davantage d’approvisionnements en bois afin de produire plus de bois de sciage. Ainsi, les J. H. Normick Perron, les frères Lavoie, Gonthier et Cossette, Desalliers, Paradis & Fils, Howard-Bienvenu, Alarie consolident leurs acquis. Au cours de cette décennie, on assiste à l’apogée de la CIPAudio (Jean-Louis Caron, CIP). Ses usines de pâtes, notamment celles de Témiscaming et de La Tuque, fonctionnent à plein régime et l’approvisionnement en bois semble sans fin. Au Témiscamingue, à Belleterre, un moulin voit le jour en 1960, celui de Canada Veneers. Également, le duo d’hommes d’affaires Goodman-Staniford œuvre dans le milieu du contreplaqué, à Tee Lake. Par ailleurs, une nouvelle société gouvernementale est mise en place, l'ancêtre de REXFOR, la Société de récupération et d'exploitation forestière du Québec.

La plupart des scieries produisent désormais des copeaux avec les résidus de bois de sciage. À la fin des années 1960, la qualité des copeaux est toujours désastreuse. Au cours des années suivantes, les machines sont perfectionnées, et la qualité est améliorée , et ce, grâce à la présence de tamis. Plusieurs scieurs voient une source de revenus supplémentaires, et une forme de marché des copeaux prend place. Avec une abondance de copeaux et une qualité qui laissait à désirer, les papetières, qui payaient environ 23 $ la tonne, donnent environ 14 $ la tonne à leurs fournisseurs.