Histoire forestière de l'Abitibi-Témiscamingue

  • 1949-1959
    Des entreprises familiales aux complexes industriels

 
La modernité

L’arrivée des années cinquante rime avec la nouvelle foresterie. À partir de 1950, un vent de modernisation et de rationalisation touche la foresterie québécoise et régionale!

La modernisation, c’est la mécanisation des opérations forestières. Les premières scies à chaîne font leur entrée dans la région en 1953, dans les chantiers de la CIP, dans le parc de La Vérendrye. La modernisation, c’est également la manière de transformer le bois. Au milieu des années 1950, Maurice Duplessis adopte un projet de loi qui oblige les entreprises forestières à travailler le bois du Québec au Québec. Également sous le règne de Duplessis, la politique se mêle amplement au créneau économique de l’heure, la foresterie. Des contrats « chauffeurs de taxi » sont présents dans la sphère politique.

En 1958, c’est le début de la fin pour les chevaux « forestiers », avec l’arrivée graduelle de camions et de tracteurs. Les coupes d’arbres se font de plus en plus rapidement, et les camions permettent d’amener des travailleurs dans des secteurs de plus en plus éloignés de la scierie. À cet effet, une autre portion du Nord québécois s’ouvre avec la venue d’une route minière, permettant l’accès aux forêts du secteur de Matagami et de Joutel.

À la fin des années 1950, le ministère des Terres et Forêts est réparti dans trois districts : Amos, Val-d’Or et Rouyn-Noranda.

L’industrie

En 1950, à l’exception d’Howard-Bienvenu, les entreprises de bois de sciage de l’Abitibi-Témiscamingue n’ont pas encore de concessions, seules les papetières jouissent de cette garantie d’approvisionnement. Les scieurs achètent le bois des colons ou, à la suite de l’émission de permis, dans les réserves cantonales. La politique joue un grand rôle dans l’émission des permis. Les entrepreneurs affichent leurs couleurs de parti, ce qui crée une instabilité quant à l’obtention de permis de coupe. La plupart du temps, seuls ceux qui ont appuyé le parti au pouvoir obtiennent les

permis de coupe annuels. À l’instar des décennies précédentes, le mesurage du bois se fait par les compagnies et est calculé en «pied mesure planche» (au 1000 pmp) ou à la corde (4 pieds X 4 pieds X 8 pieds = 128 pieds cubes apparents).

Plusieurs entreprises voient le jour et évoluent au courant de ces années. C’est le cas notamment de J. H. Normick Perron, Howard-Bienvenu ou encore Camille Richard, Jean-Baptiste Lebel, Théo Ayotte et J. E. Therrien. C’est aussi à ce moment que de nouveaux joueurs arrivent dans le portrait forestier. Notamment, les frères Lavoie (Société Lavoie & Frères) se lancent en affaires, ainsi que la famille Cossette, Gilbert Gonthier et autres particuliers tels que Fernand Richard et Edmond Carrière.

En 1956, 37 cultivateurs se réunissent à La Sarre et y fondent un syndicat pour servir leurs intérêts communs en matière de mise en marché des bois. Le Syndicat des producteurs de bois du nord-ouest québécois inaugure son siège social à Amos le 19 septembre 1956.

Des Abitibiens et des immigrants en Ontario

À cette époque, le sud de l’Ontario, où sont situés les principaux foyers de population, n’a pas beaucoup de contacts avec ses territoires du nord, à proximité de l’Abitibi-Témiscamingue. Les Ontariens sont presque invisibles dans les chantiers des entreprises forestières, on trouve plutôt des Finlandais   et des Abitibiens!

En Abitibi, le nombre d’entrepreneurs forestiers ne cesse de croître et ceci commence à se faire sentir sur la disponibilité d’approvisionnement en bois. Pour œuvrer confortablement dans le domaine forestier, quelques familles décident de migrer vers l’Ontario, non seulement pour travailler dans les chantiers déjà en place, mais pour mener à bien leur rêve de démarrer une scierie de bois en longueur. C’est le cas de la famille Dubreuil, dont le nom demeure dans le patrimoine ontarien à travers la municipalité de Dubreuilville. Également, la famille Malette de Taschereau qui, après avoir travaillé pour la famille Dubreuil, démarre sa propre scierie.

Les familles Lévesque, des fabricants de panneaux, ainsi que les familles Fontaine, Lecourt, Gosselin, qui sont toutes en provenance de La Sarre, se dirigent vers Hearst pour diriger leur propre entreprise forestière. D’autres flairent des opportunités, c’est le cas des familles Lafrenière et Martel, qui iront récupérer les bois d’après les feux. Ces moulins sont toujours présents dans le décor ontarien. L’entreprise Lafrenière est vendue à la famille Boisvert, puis rachetée par Tembec dans les années 1990. La scierie de la famille Martel est devenue une usine de Domtar, également dans les années 1990.