Histoire forestière de l'Abitibi-Témiscamingue

  • 1900-1928
    Une foresterie qui s'implante... ...sur un territoire qui s'organise

Contexte historique  +    
1er ministre du Canada :
le libéral sir Wilfrid Laurier (1896-1911), le conservateur-unioniste sir Robert Laird Borden (1911-1920), le libéral-conservateur Arthur Meighen (1920-1921 et 1926), le libéral William Lyon Mackenzie King (1921-1926/1926-1930).

1er ministre du Québec :
le libéral Simon-Napoléon Parent (1900-1905), le libéral Lomer Gouin (1905-1920), le libéral Louis-Alexandre Taschereau (1920-1936). 
  1. Commissaire des Terres, Forêts et Pêcheries ou ministre des Terres et Forêts : Simon-Napoléon Parent (1897-1905), Adélard Turgeon (1905-1909), Jules Allard (1909-1919), Honoré Mercier fils (1919-1936).
  2. Sous-commissaire des Terres, Forêts et Pêcheries ou sous-ministre des Terres et Forêts : E. E. Taché (1870-1911), Elz. Miville Dechêne (1911-1924), F. X. Lemieux (1924-1936). 
 
1900 : l’Abitibi se colle à la province de Québec et se développe!
À la fin du 19e siècle, le Québec s’agrandit lorsqu’une portion de territoire nommée l’Abitibi, s’étendant jusqu’à la rivière Eastmain, fait son entrée dans les limites de la province.

En 1905, M. Lomer Gouin, premier ministre du Québec, adopte plusieurs mesures pour favoriser le développement de l’industrie du bois. L’une d’entre elles est la construction du chemin de fer Audio (Michel Perron) reliant la ville de Québec et l’Abitibi, via la Haute-Mauricie. Cette stratégie de Gouin, en collaboration avec le premier ministre du Canada, sir Wilfrid Laurier, ouvre une brèche sur ce territoire hostile qu’est l’Abitibi. 

Voilà l’époque où les consciences s’éveillent. Le pays réalise l’importance économique de l’activité forestière. Jadis, les billots de bois prennent la route de l’exportation. Pour créer de la richesse et de l’emploi, les dirigeants canadiens imposent, en 1910, l’embargo sur le bois. Désormais, le bois doit être transformé avant de franchir la frontière canadienne! 

Dans les années 1910, une première vague de colonisation s’amène en territoire abitibien par le biais du chemin de fer. La colonisation se fait de Senneterre à La Sarre, en passant par Amos! Elle est composée en majorité d’hommes qui possèdent les connaissances suffisantes pour exploiter une terre. En 1918, il y a près de 9 000 colons en Abitibi!

photo du Musée de la Gare de TémiscamingPâtes et papiers au Témiscamingue, bois de sciage en Abitibi!Au début du XXe siècle, une nouvelle industrie s’impose à titre de moteur économique du Québec, celle des pâtes et papiers. En 1917, l’industrie des pâtes et papiers émerge au Témiscamingue. John Riordon et son groupe d’intérêt mettent sur pied la Riordon Company qui s’installe au pied du lac Témiscamingue. L’abondance de l’eau, l’autosuffisance en hydroélectricité et l’accès à la ressource en font une place de choix pour construire le « Kipawa Mill ». La Riordon va produire la moitié de la production mondiale de pâte de rayonne! Après avoir acheté plusieurs concessions forestières appartenant aux Brownson, Gillies, O’Brien et autres, la Riordon Co. bénéficie désormais de 6 500 km2 de forêt supplémentaires. La « Kipawa Woods Division » démarre donc ses activités à l’automne 1918. La Riordon instaure le principe de sous-traitance, les « jobbers » débarquent en forêt! L’industrie des pâtes et papiers est florissante au Témiscamingue, on parle alors du « Pulpwood Boom ».

Du côté de l’Abitibi, en 1919, on œuvre plutôt dans le bois de sciage! Plus d’une quinzaine de villages abritent une quarantaine de scieries abitibiennes qui emploient environ 1 000 hommes, dont le salaire varie entre 3,60 $ et 8 $ par jour. Les bûcherons, eux, gagnent près de 150 $ par mois. Le commerce du bois est très important pour toutes les localités. L’un des plus gros employeurs est la Pontiac Pulp and Lumber, basée à Macamic. Dans le « beau bois », les colons font des billots qui servent à produire de la planche ou du madrier, ainsi que des traverses de chemin de fer. Le « bois croche », lui, sert à la production de pâtes et papiers. 

En principe, une partie du bois de pulpe des colons est destinée aux usines de pâtes et papiers du sud. Toutefois, le chemin de fer n’est pas en mesure de desservir convenablement ce potentiel de production. Les Abitibiens songent alors à acheminer le bois par les lacs et rivières. Cependant, dans le nord de l’Abitibi, les rivières ne coulent pas vers le sud! On développe donc de nouveaux marchés à proximité. Par exemple, Abitibi Power and Paper Co. Ltd d’Iroquois Falls acquiert, via le lac Abitibi, la « pitoune » des colons.

Les colons devaient se souscrire aux indications du billet de lot. Celui-ci précisait les limites du lot à défricher, donc le volume de bois à récolter, et une foule d’obligations en lien avec la colonisation. Ces obligations du colon-agriculteur sont définies par un échéancier. Toutefois, pour augmenter leur revenu, il arrive que certains d’entre eux étendent illégalement leurs coupes sur les terres publiques! Désireux de s’enrichir davantage, les colons s’aventuraient en dehors des limites conférées par le billet de lot pour récolter plus de bois, qu’ils peuvent ensuite revendre au plus offrant. 

À partir de la crise de 1921…Au début des années 1920, l’inflation augmente et la récession fait rage. À bout de souffle, la Riordon Co. est achetée par la Canadian International Paper Co. (CIP). C’est à partir de 1925 que la CIP devient une entreprise prospère. Elle achète des concessions forestières de l’Outaouais, est active aux abords de la rivière Kinojévis et offre de nombreux contrats de coupe aux « contracteurs » de l’Abitibi. 

C’est également au lendemain de la crise de 1922 que d’autres mesures sont mises en place pour inciter les gens à s’installer en Abitibi. Un système de prime est instauré pour les pionniers qui améliorent substantiellement leur lot. C’est durant cette période de reprise économique, combinée à l’ouverture de l’Abitibi minière, que débute la venue de pionniers colonisateurs. Contrairement aux conditions de colonisation instaurées au Témiscamingue, l’obtention d’un permis de coupe pour la vente du bois n’est pas nécessaire aux colons abitibiens. Ceux-ci peuvent alors bénéficier de la totalité des profits engendrés. Plusieurs scieries font leur apparition le long du nouveau chemin de fer. C’est ainsi que de nombreux colons y travaillent, mais subviennent également à leurs besoins en matériau bois (moulin à scie de paroisse). D’autres feront leur fortune en lançant leur entreprise de bois de sciage!

Résumé de 1900-1928
Le chemin de fer ouvre le territoire de l’Abitibi au début des années 1900. Dans le premier tiers du XXe siècle, la foresterie est un secteur d’activité majeur et diversifié avec la venue de l’industrie des pâtes et papiers. Les colons de l’Abitibi subissent les contrecoups de plusieurs phénomènes mondiaux, comme les crises économiques et la Première Guerre mondiale. Quelques personnes et entreprises saisissent les occasions d’affaires et deviennent des joueurs majeurs dans le créneau forestier, malgré les embûches.